J’ai vécu mon cancer comme une expérience et non comme une maladie, et cela a tout changé.
Ma mère, ma grand-mère et sa sœur ont eu un cancer du sein. J’ai donc réalisé des mammographies régulièrement bien avant l’âge de mes 50 ans et c’est grâce à ce contrôle que j’ai été prise à temps.
Je suis Laurence Malzard, Tatoueuse post-mastectomie.
Ma prise en charge.
La tumeur était assez petite et l’opération devait être suivie «simplement» de radiothérapie. Mais suite au retrait du ganglion sentinelle, on a retrouvé une métastase.
Le cancer avait déjà commencé à migrer et j’ai dû être opérée une deuxième fois afin de faire un curage axillaire et enlever une partie des ganglions.
De là le protocole envisagé s’est corsé. De par mes antécédents familiaux et mon âge, il a été décidé de me soigner aussi avec de la chimiothérapie.
Ma réaction à l’annonce de votre maladie.
C’était assez bizarre, j’avais eu comme un pressentiment en allant à cette mammographie. A tel point que, j’avais décalé ce rendez-vous de contrôle de quelques jours pour que ma fille aînée, qui devait partir en stage à l’étranger, soit partie au moment dudit rendez-vous et qu’en cas de mauvais pronostic, je ne sois pas dans l’embarras avant un départ déjà anxiogène. Le plus long a été l’attente entre la mammographie et la biopsie et qui a dû être faite deux fois… Un long mois d’attente à nager parmi les points d’interrogations : Cancer ? Pas Cancer ?
76 ans – 56 ans – 46 ans : Ce sont les âges auxquels ma grand-mère, ma mère et moi-même avons eu notre cancer du sein. Etonnant non ?
– Celle de ma famille.
L’annonce à ma cadette a été difficile (17 ans à l’époque). Elle trouvait cela injuste que je sois à mon tour obligée de vivre ce que j’avais déjà vécu au travers de ma mère mais aussi de mon père (décédé d’un cancer de la prostate). Et puis l’idée de la chimiothérapie et la perte de cheveux associée la terrorisait. Pour mon aînée, en stage à Pékin, l’annonce à du se faire à distance via Skype…très dur… d’autant que les deux sœurs étaient séparées et ne pouvaient pas se soutenir entre elles.
Q – Quel a été votre moyen de « relativisation », celui qui vous a permis d’alléger ce poids ?
J’ai vécu mon cancer comme une expérience et non comme une maladie, et cela a tout changé.
Q – Quel obstacle avez-vous rencontré dans votre processus de rémission ?
L’après cancer est aussi important que pendant les traitements et malheureusement, beaucoup de gens ne l’entendent pas, ne le comprennent pas. Pour l’entourage, quand les traitements sont terminés, on est guéri et tout devrait redevenir comme avant (Ba quoi ? c’est bon ? T’es guérie maintenant ???…).
Sauf que ce n’est pas aussi facile que cela. Un cancer, ça vous bouleverse de l’intérieur. On réalise que l’on n’est pas passé très loin et que tout aurait pu s’arrêter là. « The end ». On fait aussi une rétrospective de sa vie, de ce que l’on a accompli, ou pas… et de ce que l’on aimerait encore pouvoir faire ou vivre comme expérience. Cette période de rémission a été tout aussi bouleversante pour moi. Après 28 ans de vie commune, nous avons divorcé avec mon mari. Nous n’étions plus sur la même longueur d’onde. Nous avons donc dû quitter notre maison, notre cocon. Mais j’ai aussi cédé ma petite boutique (et donc perdu mon travail), déménagé et redéménagé, perdu ma mère (après avoir perdu mon père), certains amis ont pris leurs distances…dur…mais j’ai aussi rebondi. J’ai fait un gros virage professionnel, pour me diriger vers un projet qui ait du sens, un projet qui m’a terriblement aidé pendant cette rémission.
Q – Quel(s) enseignement(s) pensez-vous avoir tiré de cette épreuve puis de votre guérison ?
On est bien plus fort qu’on ne le pense ! L’être humain a beaucoup de ressources.
C’est aussi un moment où le temps s’arrête et où l’on prend (éventuellement) le temps de regarder sa vie, son parcours, ses envies et il n’est jamais trop tard pour se réorienter ou faire les choses différemment.
Q – Quelles recommandations auriez-vous à transmettre à celles qui se voient annoncer un diagnostic similaire ?
Nous avons « la chance » d’être suivie et encadré, la science a fait beaucoup de progrès et la chirurgie n’a plus rien à voir avec ce que nos mères et grands-mères ont pu connaître. L’annonce est un vrai choc mais c’est aussi le point de départ d’une prise en main qui va vous soigner.
Et heureusement qu’il a été détecté ce fichu cancer…
Ne restez pas sans réponses et poser toutes vos questions à votre docteur, votre oncologue…On navigue mieux éclairé. Ça permet aussi de voir le bout du tunnel.
Entourez-vous : si les médecins soignent, les associations peuvent vraiment vous apporter beaucoup d’accompagnement et de réconfort. Pouvoir discuter avec d’autres femmes qui sont dans la même situation fait du bien (on se sent moins seule !). Et on ne se permet pas forcément de parler de tout avec ses proches et sa famille. A l’extérieur, tout est permis.
Aux proches de cette personne ?
L’entourage est fondamental. Soyez présents et n’oubliez pas qu’un cancer est une maladie bouleversante qui selon les traitements peuvent mettre à mal la féminité et la confiance en soi. Et surtout ne faites pas l’erreur de penser qu’après le cancer tout va revenir comme avant. Il y aura un avant et un après. A vous de conjuguer avec les nouvelles données et d’accepter que votre maman, votre sœur, meilleure amie… puissent voir la vie différemment.
Et à celles qui se battent chaque jour
L’annonce est un vrai choc mais c’est aussi le point de départ d’une nouvelle histoire. Think positive, Think pink et ne vous laissez pas envahir par des idées noires, chassez-les et laisser vous envahir par des idées qui vous font du bien. Le moral joue énormément sur le processus de guérison.
Faites vous des petits plaisirs, pensez à vous, prenez soin de vous et positivez !
Continuer à faire des projets pendant la maladie et les traitements, il est primordial de continuer à rêver et à se projeter.
Le jour où je me suis fait raser la tête quand j’ai commencé à perdre trop mes cheveux, je suis allée m’acheter un maillot de bain avec des étoiles (comme celui de Wonder Woman !). C’était en janvier et le début des gros traitements mais cela me permettait de me projeter sur les futures vacances d’été 🙂
Q – Vous avez fondé un cabinet dédié aux tatouages des femmes ayant subi la mastectomie. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce beau projet ?
Dermaréole, c’est un projet de femme, pour les femmes, qui a muri pendant ma rémission.
Ayant « perdu » mon travail je souhaitais me réorienter de façon très différente. Je peins (en loisir) depuis très longtemps et je réfléchissais à intégrer cette dimension artistique à ma future activité. Mais je voulais surtout un métier qui ait du sens, un métier qui me fasse vibrer. J’ai trouvé alors un article sur internet qui parlait du tatouage d’aréoles mammaires, une technique qui existe maintenant depuis une petite vingtaine d’années aux Etats-Unis et qui est encore insuffisamment développée en France.
Une technique qui utilise les encres indélébiles des tatoueurs et le geste artistique permettant de réaliser un tatouage en trompe l’œil, au réalisme saisissant. J’ai trouvé le geste incroyable ! A partir de là, cela a été une évidence pour moi, je devais me former à cet acte et mettre mes compétences artistiques à disposition des femmes ayant eu un cancer du sein.
Cela va faire deux ans que j’ai débuté mes premières formations, en France pour le tatouage traditionnel, et aux Etats-Unis pour les spécialisations. Je viens de terminer les travaux de mon cabinet, un lieu que j’ai voulu chaleureux, comme un chez soi, loin de l’image que l’on peut se faire parfois des salons de tatouages ni des espaces médicaux dans lesquels on peine à mettre les pieds lorsque l’on est en chimio ou radiothérapie. Bien des femmes ne vont pas au bout de leur reconstruction car elles sont usées par tous ces rendez-vous et ces lieux dans lesquels elles n’ont plus envie de revenir. Je les comprends, je suis passée par toutes ces étapes. Mais c’est aussi une étape essentielle pour tourner la page et retrouver l’estime de soi.
Dermaréole, c’est une parenthèse, un instant, une pause, dans la vie de femmes qui ont tant à raconter.
Dermaréole, c’est une confession, à cœur ouvert, entre deux femmes qui partagent une même histoire et une même envie de (se) réaliser.
Dermaréole, c’est un instant précieux, au cours duquel on met à nu et on répare les cicatrices du corps.
Dermaréole, c’est un lieu hors du temps et hors de l’espace, où l’on prend le temps de reprendre sa place.
Dermaréole, c’est une toile sur laquelle on pose, on trace, on dessine un motif, un contour, l’esquisse d’une nouvelle vie.
Site internet: www.dermareole.com
Instagram:@dermaréole.paris
Paule Francisque ATOK ©, pour @Rose sein